1906: Marguerite Burnat-Provins se voit interdite de séjour à Savièse, où elle a passé un été de folle passion. La cause ? Sa liaison avec Paul, de six ans plus jeune qu’elle. Or Marguerite est mariée à Vevey, et Paul, à Sion, est le fils de parents qui lui voient une nombreuse descendance. Mais Marguerite est stérile…
En femme libre, refusant toute aide financière de son mari architecte, Marguerite va attendre Paul dans une pension de la plaine, puis dans une mansarde à Genève. Absolue pauvreté.
Eperdue d’amour, Marguerite écrit alors Le Livre pour toi, cent courts poèmes en prose célébrant le désir féminin et le corps masculin. Nouveau scandale.
Metteur en scène, j’ai été touché au coeur par la qualité d’écriture comme par le destin de la poétesse: la rédaction d’une adaptation théâtrale s’est imposée à moi. J’avais envie de raconter cette histoire. Il y a maintenant plus d’un an, j’ai lu et relu les poèmes. N’étais-je pas moi-même devenu celui à qui s’adresse la poétesse?
Tu m’as dit : Viens…
Ta hanche pressait la mienne et, sur ma tête, virait l’épervier de ton désir.
Dans tes bras vigoureux, ma taille ployait comme une branche de verne, ton souffle rapide m’étourdissait.
Et la chambre a tourné dans mes yeux renversés.
Fasciné par l’image du renversement qu’opère l’amour, j’ai imaginé un scénario, des personnages. La production serait organisée par le Théâtre Liquide.
Quelques mois après le début des répétitions avec les deux comédiennes a éclaté l’affaire Weinstein. L’actualité nous rattrapait, Marguerite et moi. Enoncée, la parole féminine sur l’amour et la sexualité n’est-elle pas le plus puissant barrage contre le harcèlement ?
Dans quelques jours, le spectacle Pour toi, trouble cantique trouvera son public au Théâtre du Vide-Poche, Lausanne, et les mots de Marguerite Burnat-Provins, plus de cent ans après la parution de son recueil, seront à nouveau entendus. Je m’en réjouis.
J’ai aussi le trac.
