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Le vagabond de l’espoir

Allongé dans l’herbe, Jérôme contemple les nuages qui passent dans le ciel. La tête appuyée sur son baluchon, il mâchouille un brin d’herbe. La saveur légèrement acidulée se mélange à sa salive et cette sensation le ramène plus de 35 ans en arrière. Jérôme revoit les blés hauts où il jouait à cache-cache avec ses cousins, la grange où ils construisaient des galeries secrètes sous les ballots de paille, les poules et les canards après lesquels il courait dans un grand égarement de plumes et de caquètements. « Arrête de courir après elles ou tu n’auras plus d’œufs…! » tempêtait sa grand-mère. Temps béni de l’insouciance quand le soleil et la pluie rythmaient le cours de la vie. L’image des parties de pêche silencieuses, l’été au bord de l’étang avec son grand-père, soulève une vague dans sa poitrine. Une petite rivière d’eau salée ruisselle jusqu’à ses lèvres. Jérôme ne se souvient plus de la dernière fois où il a pleuré. Il fait un effort de mémoire et lui reviennent les images du désenchantement dans lequel il a sombré jusqu’à la perte de tout ce à quoi il s’était accroché : sa famille, son job, sa maison à crédit …
Il avait pourtant lutté de toutes ses forces pour conserver un semblant de dignité et son emploi à l’usine, une tache d’esclave pour un salaire de misère. Il avait tout accepté jusqu’à la puce sous cutanée décrétée par la direction pour faciliter la communication avec les employés et augmenter la rentabilité. Ah oui, pour ça il y avait eu un beau discours triomphant du PDG, venu tout spécialement en jet privé depuis leur maison mère : “leur entreprise était pilote, le progrès et l’innovation technologique allaient permettre de gagner en efficacité, d’être encore plus compétitif sur le marché mondial.” Pour garder l’usine et leurs emplois, il fallait juste accélérer la cadence quand ces satanés nano-puces détectaient les temps morts, le temps des rires perdus… Ceux qui refusaient la puce se voyaient remercier de leurs bons et loyaux services. Il fallait payer les traites de leur pavillon de banlieue, payer aussi les traitements de plus en plus couteux pour soigner leur fils unique atteint d’un cancer anormalement précoce, alors Jérôme était resté. Pourquoi y avait-il de plus en plus de tumeurs chez les jeunes enfants ? Se demanda-t-il. Et pourquoi Thomas n’avait-il pas été guéri par les chimiothérapies censés le sauver ? A partir de là, sa femme avait plongé dans une grande dépression, de celle dont on ne ressort plus. Assommée d’anxiolytiques Mélanie était une ombre, affalée sans réaction devant l’écran de télévision. Des zombis voilà ce qu’ils étaient devenus. Mais Mélanie avait finalement pris une décision, celle d’avaler tous les tubes de poison à sa disposition…
L’odeur chaude et vivante de la terre monte à ses narines. L’avant bras posé sur son front pour se protéger du soleil de midi, il scrute la courte cicatrice à l’intérieur de son poignet. La ligne rose est encore fraiche et boursoufflée. Il se souvient de la morsure du cutter fendant sa peau, il se souvient avoir trifouillé jusqu’à ce qu’il trouve le petit mouchard, pas plus gros qu’un grain de riz. Et puis il est parti. L’univers gris, flasque et bruyant de l’usine, il le laissait aux robots qui progressivement remplaçaient les mains de ses compagnons d’infortune. Un soir de mai, il a quitté le hangar frileux et laid. Le hangar des âmes perdues comme il l’appelait alors mais plus maintenant, aujourd’hui il a retrouvé son âme d’homme debout. Un vagabond, c’est pourtant ce qu’il est devenu. Sans puce, pas d’argent et plus d’identité… Il ne possède plus rien mais il est libre. Libre de s’arrêter pour regarder le vol des oiseaux, d’écouter leurs chants joyeux, de sentir le souffle du vent frais piquer son visage, libre d’aller par les chemins détournés qui ravissent son cœur à chaque pas posé. Il n’a plus de passé, pas d’avenir tout tracé vers lequel il faudrait tendre. Sa richesse tient dans ce présent intense, dans la fierté qu’il ressent d’avoir choisi la liberté qui le grise et l’emporte droit devant, vers ce lieu par delà les collines où, lui a t’on dit, se rassemblent les « sans-puces ». Les insoumis du bonheur, sourit-il en marchant…
Valérie Penven

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